De brèves scènes à trois personnages, où chaque fois on est deux contre un : le fascisme banal, quotidien, et le fascisme pathologique, expérimental, sous le signe de Hitler et de Sade. Et çà et là une "liturgique" empruntée au cannibalisme chrétien : la sublime caution du fascisme social, du sadomasochisme universel.
"Paradise now" clamait le Living Theatre : l’antithéâtre noir de Fassbinder dit la réalité, sexe et pouvoir, de ce "préparadis" où nous sommes, humanité monotonement, sauvagement autoprédatrice.
Projet artistique
par Pierre Maillet, metteur en scène
" La pièce, écrite par Fassbinder en 1969, a pour titre : "Preparadise sorry now". en référence et réaction au titre-slogan utopique du spectacle donné au festival d’Avignon de l’été 1968 par le Living Theatre de Julian Beck et Judith Malina : "Paradise now".
La pièce traite plus d’un sujet qu’elle ne raconte une histoire : dans une première partie, elle montre le fascisme ordinaire, dans la banalité du vécu quotidien joué par cinq comédiens. Dans une seconde partie, Fassbinder s’est inspiré d’un fait divers réel, survenu à Manchester en 1969 : un comptable et sa secrétaire avaient reproduit chez eux, dans une pièce de leur maison, le système nazi de tortures et d’exterminations, faisant plusieurs victimes. Cette partie est jouée par deux comédiens. Deux autres formes d’écriture entrent dans le spectacle, par l’intermédiaire d’une bande-son : des bouts dce textes d’inspiration relligieuse, évoquant la cruauté, la souffrance ; et des récits, des témoignages, autour du fait divers.
Preparadise sorry now fait partie des oeuvres "expérimentales" de Fassbinder.
Au delà du thème qu’il développe dans cette pièce - le fascisme ordinaire- c’est ce questionnement sur le théâtre de son époque qui nous a rendu curieux... Vingt ans plus tard, les préoccupations sont - apparement - différentes, et , les scandales dissipés, la parole de Fassbinder ne choque plus de la même façon qu’autrefois. Mais la "Comédie Humaine" de Fassbinder reste intacte, brutal e, sans concessions.
Ian Brady et Myra Hinley. Une histoire écrite, implacable, un fait divers.
Il y a aussi H ; K ; I ; L ; M : cinq à se risquer au jeu des Contres.
Ils se dévattent avec les mots que l’on dit tyous les jours, dans la vie "normale". Aller au bout de ces mots, apparement si anodins, les dire et les redire, pour peut-être arriver à retrouver le sens de ce "fascisme au quotidien" devenu si courant et applicable à tout.
L’histoire se répète. Ils vivnet cette répétition jusqu’à la fin... Le "spectacle" se terminera là-dessus, sur ce néant : il n’y a pas de solution. Comme si leur quête était perdue d’avance. Alors peut-être essayer de "théâtraliser" la réalité pour la rendre plus vivable. C’est certainement ce qu’ils cherchent."
Précisions sur la pièce
par Rainer Werner Fassbindert, auteur
" La pièce se compôse de quatre groupes de matériaux :
15 contres : scènes relatives au comportement fascistoïde fondamental dans la vie quotidienne en chacune desquelles deux personnes agissent contre une troisième,
6 récits concernant le couple criminel Ian Brady et Myra Hinley,
9 pas de deux : dialogues fictifs du couple criminel,
9 liturgiques : rappels textuels du culte et de la liturgie du cannibalisme
La pièce peut être construite comme on le jugera bn, mais on doit pouvoir suivre les enchaînements des différentes ensembles. on doit aussi dans tous les cas situer le dialogue Ian/Myra au point central de la dramaturgie. La version publiée ici suit la représentation de Stuttgart (mise en scène : Peer Raben). Le schéma de la représentation de Munich est donné en annexe.
Distribution idéale : 30 comédiens
Distribution minimale : 5 comédiens"
extrait
H + L – I L : Mais c’est une fille très belle.
I : Celle-là ?
L : Oui, oui, tu la connais ?
I : Bien sûr. Viens voir là.
H : Vous me voulez quelque chose ?
L : Tu demandes combien ?
H : A combien tu m’estimes ?
L : Ah oui. Je ne sais pas.
H : Il faut pourtant que tu saches.
L : Cinquante ?
H : C’est bon.
I : Mais c’est pourtant moi que tu as choisie.
L : Oui, avant.
I : Je trouve que ce n’est pas juste.
L : Tu auras l’argent quand même. O.K ?
I : Alors bien.
L : Dieu que tu es belle.
H : Oui ?
L : C’est sûr, tu le sais bien.
H : Sans doute.
L : Vraiment moi ça m’a fait un choc. Tu es souvent là ?
H : Je travaille ici.
L : Mais je ne t’ai encore jamais vue.
H : Oui, j’en trouve toujours un tout de suite.
L : Ca je crois. On y va ?
H : D’accord. Le plus vite sera le mieux.
L : Bon, au revoir.
H : Salut. Bien des choses.
I : Oui, la chance n’est pas toujours drôle.
Interview CANAL 9 TV Rennes